27 novembre 2015

PLAZ / BRAIN-sur-Vilaine / La CHAPELLE de Brain



PLAZ / BRAIN-sur-Vilaine / La CHAPELLE de Brain

La commune de Brain n’existe plus.  Elle a été rattachée à La Chapelle de Brain en juin 1976.
 Elle a un passé très ancien comme l’attestent les graphies ci-dessous à l’époque où elle devait se nommer Platz/ Plaz / Place/ Placet.
Placio en 530
Insula Plaz en 836 et Placet (C.R.[1])
Placitum en 838*
.
Puis, elle a changé de nom. On retrouve cette paroisse au XII° s. rebaptisée Brinum
Brinum en 1148
Brain en 1238
Breyn en 1427
Brain sur Vilaine en 1958.

On lit le plus souvent que ce toponyme devrait son nom à un homme gaulois Brennos[2], surnom faisant référence au corbeau. Mais la graphie de 1148 fait difficulté à cause du "i" de Brinum. D’autre part, plusieurs « Brain » situés dans d’autres départements présentent dans leurs graphies anciennes : brin, bryn, brein, brenn.
Des sources différentes nous orientent vers une autre hypothèse : bren / bran, mot celtique pour nommer les déchets, la saleté extrême, les excréments, mais aussi la fange, notamment en Bourgogne. Et ailleurs aussi. En Normandie, une brennière est un terrain boueux. Brenoux en Lozère (dictionnaire des noms de lieux de Dauzat) est donné pour lieu fangeux. Bren (Drôme) est connu encore de nos jours pour souffrir régulièrement de coulées de boue. Enfin, le TLFI [3]donne pour berneux, breneux : boueux.
Situé sur les rives de la Vilaine, fleuve à crues, surtout par le passé, Brain a dû être un lieu particulièrement marécageux, un grand marais dit « de Ganedel » jouxte encore la localité ; on peut donc conclure que Brain fut ainsi nommé à cause de la nature boueuse du site.

Mais revenons à l’étymologie de Plaz. L’évêque de Rennes, Saint Melaine y est né en 456, dans une famille de riches gallo-romains.
C’est dans le manoir paternel qu’il construira son monastère au VIème s.

  1. A première vue, Placitum peut être rapproché de Plessis car ce toponyme a souvent pour graphies anciennes : plasseum, plassetum,  plaisitum, plaxetum, mais aussi placetum, de Placi. Tous semblent formés à partir d'une racine évoquant une idée de clôture faite de branches entrelacées, évoquant un endroit fortifié, château"fort" avant l'heure .Les trois graphies les plus anciennes pourraient y faire référence. Au pays de Galles, Plas Grug est le nom d’une vieille résidence noble.
La graphie de 836 pourrait se traduire par : "Île du Plessis". En effet, à Brain, la Vilaine enserre entre deux bras une île.
Le texte ci-après[4] laisse supposer que ce château / plessis aurait été celui des parents de saint-Melaine.
« Dans un champ appelé le Clos-de-Placet ou le Clos-Saint-Melaine devant les 
maisons de Placet faisant partie du village de la Blandinaye*, on rencontre 
beaucoup de briques et même des fondations de murailles gallo-romaines. Selon 
La tradition, unanime et fort ancienne dans la contrée, c’est là que s’élevait 
jadis le château de Plaz, c'est-à-dire la maison paternelle de saint 
Melaine.
*hameau de Brain actuellement
Cf :full text « bulletin et mémoires ».
 
Mais cette hypothèse est à rejeter d’emblée puisque les dates d’attestation de Plaz s’échelonnent du VIè au IXème s et que les 
Plessis ne sont apparus que plus tard et ne sont mentionnés dans les écrits qu’aux XIè, XIIè XIIIè siècles. Il faut chercher une 
autre piste :
 
  1. Du Cange donne pour Placitum : lieu où se réunissait une assemblée pour discuter des choses importantes de la paroisse et parfois pour juger certaines affaires publiques ou privées. Les noms de lieu se rapportant à la justice sont rares, on est pourtant tenté de voir en ce toponyme la mémoire d’un « placitum »: (lieu, « place » où se tenait) une assemblée qui réglait les affaires publiques et des problèmes de justice, en présence du comte local.
Quand on sait que Placitum est l’équivalent exact du mot franc platz (latin germanisé) on comprend mieux la graphie des  deux premières attestations. En effet, ce sont les Francs qui introduisirent en France cette coutume du « plaids[5] » dès leur arrivée, à la fin du Vème s. Notons que, selon J-P Chambon[6] ’un autre mot : « judicium » aurait donné naissance à un certain nombre de microtoponymes : «La justice » et aurait désigné à l’époque mérovingienne (un lieu accueillant) une séance judiciaire, tribunal du Comte, -aussi nommée plaid(s)- (depuis Grégoire de tours). J-P Chambon a également démontré que le nom de la ville de Gy (Haute Saône) est l’aboutissement d’un judicium.




[1] Cartulaire de Redon
[2] Cf : X. Delamarre
[3] « Trésor informatisé de la langue française » (dictionnaire en ligne)
[4] Réf. www.infobretagne (infobretagne.com)
[5] Erreur probable du TLFi sous « plaid » : 5. ca 1160 tenir les plaiz « tenir l’audience ». Du lat. placitum, part. passé adj. subst. de placere « plaire », au plur. En lat. class. au sens de « principes, dogme »,  puis « ce qui plaît » d’où, en lat. chrét. « dessein, projet » et « accord, consentement ».
[6] Membre de la SF d’onomastique, auteur de « Zones d’implantation publique au haut moyen-âge dans le territoire de Besançon. Analyse diachronique des N.de L. »

16 octobre 2014

MARCHE, MARCHAIS, MARCHOIS etc. Toponymes relatifs aux Marches de Bretagne et autres.





Marche :
1)     Définition : District militaire établi dans le voisinage d'un pays ennemi, et ayant à sa tête des margraves ou des marquis. (TLF)
2)     Dérivés : adjectif « marchois » (ou « marchais »)
3)     Étymologie : emprunt au germanique.
- ahd : marcha
- latin médiéval : marcha, marca : limite, frontière (Du Cange, Niermayer)
- i.e. : *mereĝ-(IEW 738) : bord, frontière
4)     Toponymie :


35
53
50
Marche
*Louvigné-du-Désert, 35162 (près du Ruisseau français, qui marquait la limite entre la Bretagne et le royaume de France – Foresta de Marchis en 1277). Bossard indique aussi, à Louvigné-du-Désert, un ruisseau de Marcherel, affluent de la Glaine, Mascherel en 1412, Maucherel en 1588)
*Champgénéteux, 53053)
*Hambers, 53113(sur la limite de la commune, qui suit le Ruisseau de Marche)

La Marche
*Le Pertre, 35217 (près de la limite marquée par la Seiche. Non loin, une chapelle Saint-Léonard. De l'autre côté, sur la commune de Méral, La Roche de Bretagne)
*Combourtillé, 35086
*Romagné, 35243 (tout près du Couesnon)
*Javené, 35137
*Bais, 35014
*Bédée, 35023 (en bordure du Garun – Marchia en 1334)
* Vezin-le-Coquet, 35353 (La Marche d'Olivet)
*Azé, 53014
*Peuton, 53178
*Louverné, 53140 (La (Haute/Basse Marche)
*Désertines, 53091 (La Marche Coin et La Marche-des-Alleux)
*Isigny-le-Buat, 50256
*Chavoy, 50126
*Le Tanu, 50590
*Hudimesnil, 50252
(Pour ces trois derniers, il s'agirait plutôt d'une marche séparant le duché de Normandie)
Les Marches[1]
( Médréac, 35171)
*Brains-sur-les-Marches, 53041 (où un écart porte le nom du Ruisseau des Marches).



Questions :
1)     Peut-on considérer comme formés sur le mot « marche », dans le sens de frontière :

-La Marcherie (Saint-Denis-de-Gastines, 53211 ; Bourgon, 53040 ; Saint-Samson-de-Bonfossé, 50546) ;
-La Marcheraie (Saint-Jean-du-Corail, 50494)
-La Marcherais (Barenton, 50029)
-La Marchelais (Livré-sur-Changeon, 35154)
-La Marchelière (Saint-Pierre-des-Nids, 53246)
Ces toponymes sont formés comme des dérivés de noms de personnes (Marche, Marchelier sont attestés) : peuvent-il donc être pris en compte ici ?

2)     Peut-on confondre des toponymes de la série de « Marche » avec ceux venant d'autres radicaux ? 

- marchois, -ais, -ez, -es, -is, désigne, en ancien français, un marécage. La forme remonterait à un mercasiu roman, dont le radical viendrait du celtique continental (ou gaulois)[2]. C'est probablement elle qu'on retrouve dans Les Marchais à Torcé-Viviers (53265) : Mercasum en 989.

Faut-il la voir aussi dans les autres Marchais, comme ?:
- Le Bois-Marchais, au Petit-Fougeray (35218), qui se trouve bien dans la zone des Marches-frontières ;
- La Marchais à Loigné-sur-Mayenne (53136), dont la forme féminine est curieuse.

- La forme marchis/marchix est fréquente en toponymie, dans toutes les régions. Beaucoup semblent liés à des lieux humides (cf. DTF). On trouve, en particulier, en pays gallo (Côtes d'Armor, Morbihan, Loire Atlantique) plusieurs « Marchix » compris comme des « marais »[3] ( Bourseul, Dolo, Jugon, Morieux, etc.). Ils remonteraient à ce même mercasiu roman et seraient en Haute Bretagne les formes correspondant au breton markez qui désigne un bas-fond[4]. En Finistère, le topon marc’h qui entre en composition avec le topon pors (pas un port mais une minuscule plage) dans Porsmarc’h et avec le topon Pen dans Penmarc’h, semble désigner des lieux marécageux, ce qui remet en cause la traduction traditionnelle de Penmarc’h  par « Tête de cheval ».

- Il existe un autre marchis/marchix, au sens de marché (marcié, marchié en ancien français, de mercatu). On connaît les Places du Marchix à Dinan, Fougères, Vitré, etc. (formes anciennes : Marcheil en 1313 et 1540, Marcheiz en 1413) : faut-il retenir ce sens pour des « Marchis/Marchix », en limite d'agglomération, comme Le Marchis à Montsûrs (53161) ?

- La Marchée (Saulnières, 35321) a pour formes anciennes La Mareschée en 1409, La Malleschée en 1460[5]. On peut donc logiquement penser à un radical de type *marisc-/maresc- désignant un marais (cf. ci-dessous).

- Les Loges-Marchis (50) : selon R. Lepelley, il s'agit bien du sens de frontière (« Les noms de communes de l'arrondissement d'Avranches », in Cahier des Annales de Normandie, vol. 23, 1990, p. 553). De fait, de « marche » a été dérivé le nom « marchis », pour désigner le gouverneur d'une Marche, terme auquel s'est substitué ensuite le terme « marquis »[6]. Il faudrait alors comprendre Les Loges-Marchis comme Les Loges du Marchis ou Marquis


Toponymes apparentés ?:
-Marchefarais (Mordelles, 35196 – Macheferaye en1427, Machefraye en 1470, Maschefaraye en 1529, Marchefrais en 1601)
-La Marcheférière (Bazougers, 53025)
-Les Marcherues (Haute/Basse) (Martigné-sur-Mayenne, 53146 – Marcherru en 1397, Marcherou en 1443, Marcharue en 1669)
-La Marchandière (Jublains ) : de Marcharderia en 1209 – ne semble donc pas être dérivé du nom de personne (Le)Marchand
-Marchedayer (Ruillé-Froifonts), altération de Marchederier (derrière la Marche) – cf.le précédent ?


Récapitulatif :
-       Il aurait existé dans le fonds celtique un radical *merc- désignant un lieu humide, radical qui est rattaché par Pokorny à la racine i.e. *merk-, merĝ- (IEW739), morschen, faulen, einweichen (pourrir, se gâter, détremper). Cette racine se retrouve en latin dans les verbes marcere et marcescere[7] (se flétrir, s'amollir), l'adjectif marcidus (flétri, pourri) et probablement dans les marc’h bretons ; on la retrouverait aussi dans le roman mercasiu, à l'origine de marchais, marchas ou marchis en ancien français[8] et de markez en breton[9].

-       L'occupation romaine a apporté un radical homonyme : *merc-. Il s'agit de celui des mots merx (marchandise), mercator (marchand), mercor (acheter), dont le participe mercatus (mercatu) a donné en français le mot marché (« marchié », « marcié » en ancien français, et avec un autre suffixe, -ilu, « marcheil ») et Markt, market en allemand et en anglais. L'origine du radical latin est obscure ; on pense à un mot étrusque, tout comme pour le nom de Mercure, dieu du commerce.

-       Le mot francique marisk, désignant le marais, est passé en roman (mariscus en latin tardif, mariscu en roman) et a donné le mot français « marais » (« marois »en ancien français) ainsi que le nom maraîcher et l’adjectif qui en dérive. Il s'agit d'une autre racine i.e. : *mor- (IEW 748) : étendue d'eau[10].

-       C'est au IXe siècle que l'organisation de l'Empire carolingien a introduit le mot « marche », au sens de frontière (cf. plus haut – étymologie).


NB : les suffixes[11] :
- Le suffixe latin -e(n)se(m) désigne l'appartenance. Il a évolué en -ois, devenu -ais. Mais après une consonne [k] ou [g], qui se sont palatalisées, il est devenu -is. Il était donc normal que *marche(n)se (« celui de la Marche ») devienne « marchis ». Mais il y a eu des confusions dans cette série, et, par exemple, bourgeois ou françois (français) auraient dû donner *bourgis et *francis, d’ailleurs en breton, bourgeois se dit effectivement bourc’his. C'est pourquoi, à côté de « marchis », on peut trouver « marchois ».

- En même temps, le suffixe germanique -isk (latinisé en -iscus) a aussi évolué vers -ois/-ais, d'où les formes « marois/marais ».

- L'ancien français avait un suffixe -eïz/-iz/-is (issu du latin -aticiu)[12] : les formes « marcheiz », « marchiz » ou « marchis » sont donc équivalentes. Le suffixe -aticiu s'est développé comme une sorte de doublet du suffixe -atu (de participe passé). On peut donc reconstituer, à côté de mercatu >  marché, un mercaticiu > marcheïz, marchiz ou marchis.



Radical
Racine

Fonds celtique (gaulois)
merc- (eau croupissante)
i.e. *merk-, merĝ- (IEW 739) : pourri, se flétrir, s'amollir.
mercasiu > marchais, -ois, -as, -is. (bas fond, eau croupissante)
Apport latin
merc- (marchandise)
étrusque ?
mercatu > marché
mercaticiu > marcheïz[13], -iz, -is
Apport francique
marisk (marais)
i.e.*mor- (IEW 748) : mer, étendue d'eau
mariscu > marois,-ais
maraîcher
Apport germanique
marcha (bord, frontière)
i.e*mereĝ- (IEW 738) : bordure, frontière.
marcha > marche
marchese > marchis, marchois




Je me demande si les (certains ?) Margeride, Marguerit(te) ne dériveraient pas aussi de la racine merc- (eau stagnante) ?


[1]     On laisse provisoirement de côté la question des toponymes de type : Trois Marches.
[2]     Cf. Hervé Le Bihan, « L'hydronymie de la Bretagne... » qui s'en réfère à B. Tanguy et à G.Dottin.
[3]     G. Béchard, Les noms de lieux en pays gallo, Collège breton – 1968.
[4]     H. Le Bihan, ibid.
[5]     Bossard.
[6]     Par analogie avec l'italien « marchese » selon TLF.
[7]     D'où le dérivé savant en français : immarcescible.
[8]     Passage de [è] à [a] fréquent (ex. pervenire > parvenir, etc.)
[9]     Le DMF donne pour cette série la même étymologie que « marais » : le francique marisk. N'est-ce pas une erreur ? Phonétiquement, il est difficile d'expliquer « marchais » par marisk...
[10]   Elle a donné, en particulier, le latin mare > mer.
[11][11]       Cf. TLF (suffixes) et Bourciez §§ 41, 54, 94, 136.
[12] Ce suffixe a sans doute valeur minorative car en corse « porcaccio » qui semble être la forme évoluée de porcaticiu signifie « petit cochon ».
[13]   -z est, en ancien français, la graphie pour -ts.

5 octobre 2014

Cap Fréhel




Dans le dictionnaire du breton de Deshays , on trouve Freg = déchirement , de « frec » vx bret. = mis en lambeaux . Fregin = battre ( en parlant de la mer ) , fres = démolition .
Juste à côté du cap Fréhel se trouve la baie de la Fresnay .On traduit tout naturellement ce mot par « lieu où poussent les frênes » 
.Mais on pourrait aussi y voir « cap fracturé* » et la baie en question devient alors la baie du cap mis en lambeaux par le battement de la mer et quand on connaît le site ,c’est exactement l’image qu’il donne .
Ce qui supposerait que le cap « fréhel » actuel se serait nommé jadis FRESNAY .
Pourquoi alors ce nouveau nom Fréhel ?? Une petite commune située à quelques km du promontoire porte ce nom .

*nay ou nez viennent d’un mot norrois signifiant cap,  promontoire .A St Briac on a le « Nessay » et à Cancale le « Nicet », de même sens .



Brain sur Vilaine

Cette commune n'existe plus. Elle a été rattachée à La Chapelle de Brain en 1976. Elle a un lointain passé comme l'attestent les anciennes graphies :

                 Placio en 530
Insula Plaz en 836 (C.R.)
Placitum en 838*
.
C’est vers cette époque qu’elle a changé de nom .On retrouve cette paroisse au XII° s. sous le nom de :
Brinum en 1148   
Brain en 1238 
Breyn en 1427 
Brain sur Vilaine en 1958

Ce toponyme devrait son nom à un homme latin Brannus, surnom venant du nom du corbeau. Mais la graphie de 1148 fait difficulté à cause du "i" de Brinum.

L’évêque de Rennes : Saint Melaine y est né.

    Du Cange donne pour Placitum : lieu où se réunissait une assemblée pour discuter des choses importantes de la paroisse et parfois pour juger certaines affaires, mais ce placitum semble plutôt devoir être rapproché de Plessis, " Les plessis" ont souvent pour graphies anciennes : plasseum, plassetumplaisitum, plaxetum, placetum .Tous sont formés à partir d'une racine évoquant une idée de clôture faite de branches entrelacées  > endroit fortifié, château"fort" avant l'heure .Les trois graphies les plus anciennes semblent y faire référence.
A noter que la graphie de 836 pourrait se traduire par : "La fortification sur l'île". En effet, à Brain, la Vilaine enserre entre deux bras une île sur laquelle avait sans doute été édifié le fort primitif. Le village de Brain s'est construit face à cette île.

                                                                                                                 Colette Marchand             


La racine gan-dh


cf (Pokorny -2- p. 351)

Gefäss (récipient, tonneau)
moy.irland. (1) gann
island. kani : Henkelgefäss, Schüssel
norv. : kane: Henkelschale
suéd. kana : schlitten
vieux dan. et vx suéd. : kane : bateau
mnd et ndl : kane, kaan : bateau
ahd. channa, kanne,et chanta, canneta
latin tardif : canna
provençal  : cana  (mesure de contenance, idée de creux).

L’idée de creux se dégage de tous ces mots.
Les premiers bateaux étaient réalisés en creusant des troncs d’arbre. La canne est une tige creuse, han en breton nomme un canal.
Cette idée de “creux” par métonymie s’est élargie à celle d’eau, humidité, de saleté humide, de pourriture.

La racine gan-dh a évolué en :

     gan-d, gan-ed, gan-et
     can-d, can-t, can-ed, can-et, chan-d, chan-t.

Les NL nés de cette racine sont nombreux
Tous les NL
  •      en cant-, en chant- : Chantepie, Chanteloup, Chantecaille, Cantemerle etc. qui ne se rapportent donc jamais au concept de chant,
  •     et aussi les Cantier(s), Chantier, Cantié, Cantin, Cantine, Cantilly (Manche), Chantilly.
  •      en gan-, gann-, ganned- : Marais de Gannedel, près de Redon (I & V), kerganet en Pont-l’Abbé (Fin.)
  •      en can-, can-et, can-ed cf : Candé, Sarlat-la-Caneda, (Le) Canet (P-O), la Canède (Aude)
  •      en cand-, chand- cf : Besse-en Chandèze ou Chandesse (P-de-Dôme). 

De cette racine sont aussi nés peut-être ces noms de cours d’eau :
     le Gand (Loire), le Gand marais (Savoie), le Gandelin (Sarthe), le Gandarin, torrent (Alpes-Hte Prov.)
     Les rivières Cantache (Cant-apia) (I-&-V), et Canedonne, (Gironde) avec en suffixe l’HN gaulois –onna.
     Les ruisseaux de Cantillergue, de Cantinche (Corse), de Cantiran (Gers) et une trentaine de noms de ruisseaux en cand- , comme le Candé, le Candou, le Candon, le Candeau, le Candarel, le Candeil, le Candes, le Candella, le Candoubre dont beaucoup en Corse, dans le Tarn et le Gers, mais aussi en Gironde, dans les Landes, l’Hérault, les P- Atl. et dans le Calvados.

De cette même racine procèdent sans doute :
  • -les noms communs : « canal », la plante creuse « canne », le mot breton han : canal, rigole,
  • -le nom du champignon « chanterelle » à cause de sa forme creuse, en entonnoir, profonde,
  • -le nom de la « canthare » : coupe à boire dans la Grèce ancienne dans laquelle on versait du vin dont les impuretés pouvaient se déposer au fond, ce vase étant très profond,
  • -le verbe « décanter » : débarrasser un vin de sa lie (Le mot désignant un creux ayant peu à peu désigné aussi ce qui s’y dépose, puis toute saleté, toute pourriture, lie),
  • -le nom grec du scarabée « kantharos », cet animal ayant la caractéristique de se nourrir d’organismes en décomposition, ce que les Egyptiens anciens avaient aussi remarqué puisqu’ils plaçaient des objets représentant cet insecte nécrophage dans les tombeaux.